
Le piment fort fait partie des épices les plus répandues au monde. Très rares sont les cultures n’ayant pas développé leurs propres types de piments, ou des recettes qui les mettent à l’honneur. Ils ont récemment gagné une énorme popularité en Amérique du Nord grâce à une industrie florissante de sauces piquantes et leur présence accrue sur les réseaux sociaux.
Malgré tout, peu de gens connaissent l’histoire fascinante des piments forts et de leur long voyage jusqu’à nos assiettes. Poursuivez votre lecture pour en savoir plus sur l’épopée de ces fruits mystérieux.
La quête du poivre noir
La première chose à savoir, c’est qu’avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, les piments n’existaient nulle part ailleurs dans le monde.
Au 15e siècle, les gens de l’Ancien Monde aimaient beaucoup les épices : la cannelle, le gingembre, la muscade… et surtout le poivre, originaire d’Inde et de Java. Ce dernier valait une petite fortune!
Malheureusement pour l’Europe, la route directe vers les Indes était alors contrôlée par les négociants musulmans. Vasco de Gama, navigateur portugais, avait découvert une autre route en devenant le premier à faire le tour de l’Afrique, mais cela demeurait une option longue et dangereuse.
De son côté, l’Espagne voulait découvrir sa propre route vers l’Asie. Le Nord était trop périlleux et froid, le Sud représentait un parcours interminable déjà emprunté, et l’Ouest n’était pas envisageable : à l’époque, on croyait encore la Terre plate, et l’Ouest menait vers une mort certaine. Heureusement, il existait un navigateur qui était prêt à s’y aventurer : Christophe Colomb. C’est pourquoi la royauté d’Espagne le mandata pour tenter sa chance et potentiellement remplir les coffres du pays.
Une découverte imprévue
Après une interminable traversée et avoir visité quelques îles des Bahamas, qu’ils débarquèrent en décembre 1492 sur l’île d'Hispaniola (qui forme aujourd’hui Haïti et la République dominicaine). C’est sur cette île, le 1er°janvier°1493, que les Européens eurent la (douloureuse) surprise de manger pour la première fois ce que les indigènes appelaient aji. La première stupeur passée, il semblerait qu’ils ont apprécié sa saveur, et y virent une épice de substitution au coûteux poivre noir.
Évidemment, il ne s’agit que de la “découverte” de ce continent par l’Europe. Les peuples qui le peuplaient possédaient déjà un vécu riche et sophistiqué, et cultivaient le piment depuis bien longtemps. On croit qu’il serait apparu il y a plus de 9°000°ans sur les hauts plateaux de la Bolivie et du Chili. On a retrouvé au Mexique des semences séchées datant d’il y a environ 7°000°ans. Puisque les oiseaux sont insensibles à la chaleur du piment, ils ont grandement contribué, par leurs migrations, à sa dispersion. Outre le Mexique et le Brésil (où on l’appelait chili), il était partout nommé aji. Le petit fruit était révéré par les Aztèques, et Moctezuma (leur empereur) aurait même offert du chocolat pimenté au conquistador Cortès.
Une dispersion fulgurante
Les Espagnols rapportèrent des graines de piment en Europe pour le cultiver, où il devint rapidement une monnaie d’échange au poivre noir. De là, il se répandit dans le Languedoc et le Pays basque, ce qui donna naissance à la culture du piment d’Espelette. Le piment pénétra ensuite en Italie, où les marchands vénitiens le présentèrent aux Ottomans, qui le plantèrent sur toutes leurs terres. Dans les Balkans, il devint le paprika hongrois. Dans le Maghreb : la harissa.
Ce sont les Portugais qui l’ont véritablement diffusé autour du monde. Ils l’ont apporté du Brésil jusqu’à Madère, dans le golfe de Guinée et au Mozambique. Dès 1505, le piment se trouvait en Inde, où il s’est répandu comme un feu de broussaille, encore une fois, parce qu’il était facile à cultiver et moins cher que le poivre. Le piment se rend ensuite en Chine par la route de la soie, et les Espagnols utilisent leurs propres réseaux commerciaux pour en apporter aux Philippines.
En moins d’un siècle, le piment avait conquis toutes les régions tropicales de l’Ancien Monde. D’un parfait inconnu, il a réussi à se répandre dans les récoltes plus vite que le maïs, le haricot et la courge, également découverts en Amérique.
Étrangement, il faudra attendre jusqu’au 20e siècle pour qu’un réel engouement se développe en Amérique du Nord. Sa popularité y est aujourd’hui bien ancrée et a donné naissance à une culture du piment très vivante, mais ce n’est que récemment que son utilisation en cuisine a vraiment pris son envol.
Conclusion
Il aura fallu de nombreuses coïncidences et de grands voyages pour que nous puissions aujourd’hui apprécier les multiples espèces et déclinaisons des piments forts, mais ils sont bel et bien là pour rester, au grand plaisir de tous.